L'Envers du Deal : Etes-vous (vraiment) un bon négociateur ?


J’ai récemment publié un article dans Forbes, intitulé « Votre façon de négocier est-elle obsolète ? »

Mon propos était d’affirmer que les négociations sont devenues encore plus conflictuelles voire brutales qu’elles ne l’étaient auparavant. Et que si l’intensité de cette conflictualité a évolué, les méthodes utilisées par les organisations demeurent les mêmes que par le passé.

Il est donc temps d’évaluer les capacités d’une organisation – et des individus qui la composent – à négocier efficacement afin d’avoir une conscience plus réelle de son efficacité.

Au-delà de cette éventuelle inadaptation entre ce que les entreprises font et devraient faire, il est intéressant de simplement de demander si l’on pense savoir bien négocier. En tant qu’individu. En tant qu’organisation.

Ce test n’a aucune portée scientifique bien entendu et n’est en rien exhaustif, mais j’espère que ces quelques questions vous feront juste réfléchir et vous aiderons à sauter le pas pour améliorer votre culture de la négociation.

A vous de jouer !

1. À quand remonte votre dernière vraie formation à la négociation ?

  • A. Oh, vous savez… Probablement quand Nokia dominait encore le marché des téléphones.
  • B. Une session en visio pendant le Covid. C’était surtout une ode à la patience.
  • C. Il y a deux ans. J’ai encore le mug avec le logo.
  • D. Récemment. Intense. Sur-mesure. J’en ai fait un TEDx au dîner de Noël.

2. En tout, combien de formations à la négociation avez-vous suivies ces 3 dernières années ?

  • A. Aucune. J’ai lu Sun Tzu à la plage, ça compte ?
  • B. Une. Mais surtout pour les viennoiseries.
  • C. Deux ou trois. Mais honnêtement, je confonds toutes les méthodes.
  • D. Plusieurs, avec un vrai suivi. Chez nous, négocier n’est pas une option, c’est un art de vivre.

3. Vous souvenez-vous du contenu de ces formations ?

  • A. Du tout. Le formateur avait un accent anglais ou..italien, c’est tout ce que je peux dire.
  • B. Vaguement un acronyme en 4 lettres. Ou 5 ? Ou 6 ?
  • C. Oui, en théorie. Dans la vraie vie, c’est une autre histoire.
  • D. Parfaitement. Et j’ai un plan d’action pour chaque profil de client, même les plus intransigeants.

4. Combien de temps avant une négociation commencez-vous à vous préparer ?

  • A. Dans l’ascenseur.
  • B. La veille, entre deux emails et un shot d’espresso.
  • C. Deux ou trois jours avant, avec des slides qui sentent la panique.
  • D. Bien avant. Avant même qu’il y ait un rendez-vous. Parfois avant qu’il y ait un besoin.

5. Qui est impliqué dans la préparation des grosses négos ?

  • A. Moi. Parce que c’est moi le ou la boss. Enfin, je crois.
  • B. Moi et mon boss, surtout quand ça tourne mal.
  • C. Une équipe, parfois trop nombreuse, comme dans un Zoom où tout le monde est en mute.
  • D. DG, DAF, Juridique, Direction Commerciale, Procurement. Bref, une équipe entière.

6. Dans votre entreprise, la négociation c’est plutôt :

  • A. Une corvée. Comme remplir ses notes de frais.
  • B. Un talent inné. Certains savent faire, d’autres pas.
  • C. Un passage obligé, traité comme un mal nécessaire. Il faut bien le renégocier ce contrat, non ? On n’a pas le choix.
  • D. Une discipline. Presque sacrée. Avec rituels, outils, méthodologie.

7. Face à un mastodonte (fournisseur géant, plateforme incontournable), vous :

  • A. Capitulez avec dignité. Enfin… presque.
  • B. Faites semblant d’avoir le dessus. Mais c’est juste pour sauver la face.
  • C. Tentez une alliance. Parce que tout seul vous ne pouvez rien.
  • D. Changez les règles. Vous ne jouez pas leur jeu, vous inventez le vôtre.

8. Votre entreprise mesure-t-elle la performance de ses négociations ?

  • A. Non. On préfère la magie du ressenti.
  • B. Uniquement si ça se termine bien.
  • C. Oui, surtout dans le but pour dire qu’on ne pouvait pas faire autrement, dans un esprit de post rationalisation.
  • D. Oui. Et sur plusieurs axes. Mais surtout dans un souci de progression.

9. Quand une négociation échoue, que se passe-t-il ?

  • A. On oublie. Rapidement. Très rapidement.
  • B. On blâme l’autre partie.
  • C. Debrief rapide autour d’un café tiède. Du bout des lèvres.
  • D. Analyse froide. On dissèque. Pas pour le plaisir. Pour la prochaine fois.

10. Avez-vous déjà fait appel à un coach extérieur en négociation ?

  • A. Non. On ne fait appel à personne. Juste des coachs en image, gestion de crise, spécialiste des relations Codir, management etc.. Mais pas de coach en négociation.
  • B. Une fois, dans l’urgence. Il était déjà trop tard.
  • C. Oui, mais après avoir tout essayé nous-mêmes (y compris l’astrologie).
  • D. Oui. Et avant même d’en avoir besoin. Pour anticiper, challenger, s’armer.

11. Pour vous, la négociation, c’est :

  • A. Un don. Soit on l’a, soit on fait autre chose.
  • B. Une compétence individuelle qu’on peut parfois acquérir. Parfois pas.
  • C. Une affaire de testostérone. Il faut parler plus fort que l’autre.
  • D. Une culture. Un ADN. Un framework invisible… mais redoutablement efficace.

12. Lors du recrutement d’un profil commercial ou achat, vous évaluez la capacité à négocier :

  • A. Jamais. On se fie au feeling. Et au sourire.
  • B. À l’intuition. C’est un signe de maturité, non ?
  • C. On pose la question “Avez-vous déjà négocié ?” (C’est censé suffire.)
  • D. Oui, avec des cas pratiques, des mises en situation, et un radar interne calibré comme un laser.

Résultats !

🔴 Majorité de A — Approche improvisée, non structurée

Vous vous appuyez sur votre expérience, votre intuition, et parfois votre talent personnel. Mais vos négociations manquent de structure et de méthode. Cela fonctionne dans certains cas… jusqu’au jour où cela ne fonctionne plus.
L’environnement actuel, marqué par des rapports de force déséquilibrés et des enjeux stratégiques complexes, ne laisse plus beaucoup de place à l’improvisation.

Ce que cela révèle :

  • Une absence de cadre commun ou de méthode
  • Un risque de dépendance à des profils individuels
  • Une difficulté à tirer des apprentissages reproductibles

Ce que vous pouvez faire :
✅ Intégrer des méthodes éprouvées, contextualisées à vos enjeux
✅ Structurer la préparation et le suivi des négociations
✅ Impliquer d’autres fonctions dans le processus (juridique, finance, etc.)
✅ Initier une première dynamique collective autour du sujet

🟠 Majorité de B — Conscience du sujet, mais peu de leviers activés

Vous avez conscience de l’importance du sujet. Vous avez parfois mis en place quelques actions (formation, accompagnement ponctuel, coaching), mais cela reste limité ou dispersé. Vous n’avez pas encore fait de la négociation un levier structurant.

Ce que cela révèle :

  • Un intérêt pour le sujet, mais sans cadre opérationnel clair
  • Un traitement “à la marge” de la négociation, souvent réactif
  • Une envie d’aller plus loin, mais sans feuille de route

Ce que vous pouvez faire :
✅ Formaliser un cadre de bonnes pratiques
✅ Mettre en place un programme de montée en compétence
✅ Identifier les négociations stratégiques à prioriser
✅ Installer une logique de suivi et de capitalisation des apprentissages

🔵 Majorité de C — Pratiques en place, mais frein culturel ou organisationnel

Vous avez posé les bases : préparation, structuration, travail collectif. Mais les résultats sont inégaux. Il manque une dynamique plus globale, portée à un niveau stratégique, pour que la négociation devienne une compétence organisationnelle.

Ce que cela révèle :

  • Des pratiques solides, mais dispersées ou peu soutenues
  • Des écarts de maturité selon les équipes ou les fonctions
  • Une difficulté à faire de la négociation un sujet transverse

Ce que vous pouvez faire :
✅ Identifier un sponsor interne pour porter le sujet
✅ Créer une task force pluridisciplinaire sur les négociations clés
✅ Challenger vos pratiques existantes avec un regard externe
✅ Installer une culture d’analyse et de progression continue

🟢 Majorité de D — Maturité stratégique forte

Vous êtes au stade où la négociation est intégrée dans les réflexes de l’organisation. Elle est anticipée, structurée, suivie, et considérée comme un levier de création de valeur. Vous cherchez à affiner, challenger, transmettre.

Ce que cela révèle :

  • Une approche professionnelle et transversale
  • Une capacité à aligner les fonctions autour d’un enjeu commun
  • Une vision stratégique du rapport de force, de la valeur, et du timing

Ce que vous pouvez faire :
✅ Renforcer les outils internes (grilles, playbooks, feedback loops)
✅ Créer un “centre d’excellence” ou un groupe référent interne
✅ Travailler vos négociations les plus complexes avec des experts extérieurs
✅ Capitaliser cette compétence pour nourrir votre culture d’entreprise

Au-delà de ce quiz estival sans aucune portée scientifique (!), j'espère que cette édition aura simplement eu le mérite de vous aider à vous interroger sur votre pratique de la négociation !

Philippe Roy

Fondateur de Red Yucca

Auteur de L’Envers du Deal

P.S: Comme d’habitude, si vous avec des questions ou des commentaires à partager, n'hésitez pas à me contacter directement (pr@red-yucca.com).

Red Yucca conseille les entreprises sur leurs négociations critiques et les aide à bâtir une culture de négociation plus solide, stratégique et alignée avec leurs intérêts.

Philippe Roy

Je parle de négociation de manière inhabituelle et non conventionnelle. Je montre la négociation telle qu'elle est dans la "vraie vie". Pas comme dans les livres. Je suis le fondateur de Red Yucca, une société spécialisée dans les stratégies d'influence et les négociations complexes pour les grandes organisations. J'écris également pour Harvard Business Review & Forbes.

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On croit savoir ce qu’est un bon négociateur. Un mental d’acier. Une voix assurée. Une capacité à encaisser la pression sans sourciller, à garder le cap dans la tempête. Un brin manipulateur, très stratégique, et surtout toujours à l’aise à la table des négociations. Mais dans les négociations les plus complexes, les plus verrouillées, les plus sensibles politiquement… ce n’est pas forcément celui qui parle le plus fort qui fait avancer la pièce. C’est souvent celui qui voit ce que les autres...

🟥 Quand j’ai lancé Red Yucca, j’ai choisi de créer une société de conseil un peu à part. Un cabinet spécialisé en stratégies d’influence, en négociations complexes, et en relationship management. Pas un cabinet généraliste. Pas une usine à slides. Une structure agile, pour aider les entreprises à reprendre le pouvoir face à des partenaires dominants. À l’époque, une part importante de mon activité concernait un sujet que peu de gens osaient vraiment attaquer : la renégociation des frais de...

🟩 Ils disent "interesting" quand ils trouvent votre idée complètement à côté de la plaque.Ils vous assurent que "we should definitely do lunch"… puis disparaissent dans un silence élégant.Ils maîtrisent à la perfection l’art de dire non sans jamais prononcer le mot. Bienvenue dans la négociation à l’anglaise. Un univers feutré, où l’understatement est roi, où la forme prime souvent sur le fond, et où les règles implicites comptent plus que tout contrat. Négocier avec des Anglais, c’est comme...